A la rencontre de Patrick Goujon
Amoureux de la macro et de la proxy photographie, c’est avec un immense plaisir que je vous propose de découvrir un maître en la matière, en la personne de Patrick Goujon. Si vous voulez suivre son travail, vous pouvez le retrouver:[checklist]
Interview de Patrick Goujon

Bonjour Patrick,
Peux-tu te présenter en quelques lignes, comme photographe, mais pourquoi pas sur ta vie en dehors de la photographie?
Je suis un photographe amateur de 38 ans spécialisé dans la photo nature et plus précisément en macro/ proxy photographie. Toutes mes photographies sont prises en milieu naturel dans le sud de la France. Père de famille de 4 enfants et travaillant au sein d’un grand groupe de distribution mes journées sont très bien remplies. La discipline de la macrophotographie s’est imposée clairement dans mes choix photographiques pour son énorme potentiel créatif ainsi que la souplesse du temps accordé à mes prises de vue. En effet 1 à 2 heures suffisent à pratiquer la macrophotographie et cela peut s’insérer ponctuellement dans un emploi du temps.

Racontes-nous quand et comment tu as commencé la photo?
J’ai commencé la photographie numérique en 2009 quand ma compagne m’a offert mon premier reflex numérique à l’occasion de mon anniversaire. J’ai passé les 2 premières années à tout photographier, j’ai acheté et revendu pas mal de matériel pour trouver ce qui me correspondait le plus. Mon premier objectif macro date de 2011. Une passion qui n’a cessé de grandir depuis.

Peux-tu nous présenter ton/tes style(s) de photo de prédilection ?
Comme évoqué plus haut j’ai une grande affinité pour les photos de proxy-photographie. Là où les vraies photos de macrophotographie demandent un rapport de reproduction 1 :1, la proxy elle permet de s’éloigner un peu plus du sujet et l’intégrer dans son environnement. La proxy permet donc d’avoir une véritable réflexion sur la composition photographique.
Mon choix de photographique s’est également défini en fonction de mon environnement. Habitant jusqu’à ce qu’il y a quelques mois près de la région de Montpellier j’ai dû me plier à différentes contraintes : le vent, la chaleur ou encore la lumière qui peut être vraiment dure.

Je photographie aujourd’hui avec du matériel en cohérence avec mes aspirations et mes besoins. J’utilise un reflex plein format pour ses montées en haute sensibilité ainsi que la progressivité de ses flous, un objectif sigma 150mm associé à un multiplicateur X1.4 pour obtenir une focale de 210mm et avoir ainsi une meilleure gestion de la profondeur de champ tout en restant à une distance de 60-120cm du sujet.

Qu’est ce qui est, selon toi, le plus compliqué dans la photographie ….? Et le plus gratifiant?
Au jour d’aujourd’hui le plus compliqué pour moi est clairement de concilier mon temps entre mon travail alimentaire, ma famille et ma passion. Maintenant si je dois recentrer ma réponse sur la véritable question je dirai sans hésiter que trouver la belle lumière qui va sublimer une scène photographique est le seul vrai défi. A cette affirmation j’identifie les 2 causes qui m’ont souvent apporté son lot de frustrations dans la photographie de nature.
- Etre sur place au moment où la lumière naturelle mettra le plus en valeur ma composition photographique (tôt le matin ou fin d’après-midi). La lumière changeant à chaque instant, je n’ai souvent que quelques minutes pour immortaliser le rendu souhaité.
- Même si les capteurs numériques actuels ont fait d’énormes progrès en dynamique, ils sont encore loin de rivaliser avec l’œil humain. Les écarts d’intensités lumineuses sont souvent importants dans mes clichés. Cette situation m’amène souvent à faire un choix ou au pire un compromis dans le rendu de mes images. Pour éviter ce désagrément je suis obligé de compenser cette situation par l’adjonction mesurée d’une torche Led ou de flashs cobra afin de rééquilibrer la lumière sujet/ arrière-plan. Cette difficulté prend tout son sens en milieu naturel face à des insectes ou animaux sauvages.

Le plus gratifiant pour moi est sans doute la réussite d’une belle photo avec un dérangement très mesuré et sans conséquence sur l’animal et son environnement.
Parmi tes photos, si tu ne devais en retenir qu’une seule, peux-tu nous présenter ta photo préférée et nous raconter son histoire?
La photo de ma mante religieuse sur une pomme de pin sous une pinède est importante pour moi car c’est celle qui signe le commencement de ma signature photographique. C’est au cours de l’une de mes balades nature entre garrigue et pinède en cours de journée que cette photo s’est imposée. Le créneau 14h-17h n’est vraiment pas le meilleur moment pour réaliser de belles photos, je réserve cette plage pour observer ou découvrir de nouveau lieu. Je n’emporte d’ailleurs que très rarement mon reflex durant cette phase de reconnaissance. Mais ce jour-là , la lumière présente m’a inspiré.
La lumière filtrant entre les pins, le sol qui était jonché d’aiguille et de pomme de pin a fini de faire son travail. Il manquait un sujet principal à ce tableau. Une mante religieuse repérée quelques mètres plus loin compléterait à merveille cette scène. Cette prise de vue est un concentré de jeu de lumière naturelle, une recherche sur la nuance des teintes du bokeh d’avant et d’arrière-plan, l’adjonction de lumière artificielle et de comportement animal cohérente avec son environnement.
Je rajouterai que c’est à partir de cette photo que je réalise 80% de mes clichés allongé sur le sol avec les précautions qui s’imposent.

Quelle serait la prochaine photo que tu aimerais faire ?
Je n’ai pas vraiment de photos précises en tête. Je trouve mon inspiration sur le lieu même de mes balades. Mon objectif se situe au niveau de la diversité des espèces à photographier. Si mes sujets de prédilection sont les mantes et les empuses j’aimerais beaucoup explorer la photographie artistique sur des serpents, scorpions ou araignées. Tous ces potentiels futurs sujets sont des facteurs importants de ma motivation à créer de nouvelles images de nature artistique. Je pense aussi que la photo de nature doit se réinventer.

Imagine que l’on te donne un crédit illimité, quel projet photographique, dingue ou plus sage, aimerais-tu réaliser?
Maintenant que je suis installé en lorraine depuis quelques mois je mesure la chance que j’avais d’être entouré d’autant d’insectes. Certes il va falloir que je m’apprivoise à ce nouvel environnement mais cela ne m’apportera plus la possibilité de réaliser des prises de vues 9 mois dans l’année. Ce moment d’incertitude lié aux éventuels sujets photographiques me surprend à rêver à la création d’un véritable sujet photographique dans un autre pays. En effet partir en immersion total dans un pays tel que le Costa Rica pour photographier la faune miniature avec de vrais partis pris artistiques et créatifs serait une aventure alléchante.

Peux-tu nous raconter un de tes meilleurs souvenirs pendant une séance photo et pourquoi pas également le pire?
Certaines de mes images ont des anecdotes. Je me souviens d’une prise de vues d’un diablotin (forme larvaire de l’empuse qui est un insecte ressemblant à une mante religieuse au stade adulte) sous une pinède qui aurait pu mal se terminer car un élément prévu s’est invité sur la scène. J’avais décidé de créer avec cet insecte très photogénique la scène du rocher vu dans le dessin animé du roi lion de Walt Disney. Pour faire de belles images d’animaux il ne faut pas que ces derniers soient stressés ou menacés. Pour illustrer cette affirmation je reste souvent concentré plusieurs dizaines de minutes immobiles derrière mon viseur à l’affût d’un comportement ou une attitude photographiquement intéressante.
C’est dans ces conditions que je me retrouve allongé sur le sol, en train d’optimiser la mise au point sur cet insecte de 4 cm ressemblant à une brindille sèche quand j’entends soudainement des reniflements importants se rapprochant. Je tourne la tête lentement sur la gauche et j’aperçois à ce moment-là en contre plongé … un énorme sanglier à moins de 2 mètres de moi. Bien que ce moment n’ait duré que quelques secondes avant que celui-ci poursuive sa route l’émotion que cette rencontre a procurée est encore très présente.
Mes pires souvenirs photographiques font tous références à des altercations avec des chasseurs. Je ne vais pas ouvrir ici ce débat mais les chasseurs ont souvent été un frein voir une absence d’inspiration photographique sur le terrain. Je le redis je fais des photos pour le plaisir … pas pour le risque de prendre une balle perdue !
Si tu devais faire découvrir un photographe peut être encore méconnu, et un seul, à BonPlanPhoto et à ses lecteurs, qui proposerais-tu?
Je regarde aujourd’hui beaucoup de belles images. Certaines m’inspirent dans ma production photographique. Au-delà du nombre d’images regardées, certains auteurs ont toute mon admiration pour leur travail de prise de vues. Car au-delà de la qualité évidente de leurs photos je rejoins leur éthique de la photo nature.
Si je devais mettre en relief un photographe amateur pour la qualité de ses prises de vues et son talent artistique je citerai le nom d’olivier Nugget. Cet humble bonhomme arrive à photographier des insectes dans un environnement épuré avec des nuances chaudes difficiles à retranscrire avec nos boitiers. Il est à l’origine également depuis 3 ans ( la 3ème rencontre aura lieu en 2016 ) d’une grande exposition photo nature avec les meilleurs photographes du genre au sein du Lycée dans lequel il enseigne.

Un dernier mot ?
Sans aucune prétention à vouloir réinventer la photo nature macro je pense que s’il est de bon sens de préserver les animaux que l’on photographie on ne doit pas s’interdire de réaliser des prises de vues artistiques en milieu naturel. J’explore aujourd’hui en toute conscience une autre approche de la photo nature avec un peu plus d’artifice aussi bien matériel que logiciel. Je suis aujourd’hui soutenu par la société Sigma France, quelques une de mes photos sont distribuées par l’agence Bios photo et je suis secrétaire adjoint du Club photo de ma commune.
Je pense que d’ici quelques semaines je vais prendre le statut d’auteur photographe pour donner une nouvelle dimension à ma passion. Partager mes créations et échanger sans tabou ni secret sur la réalisation de mes clichés est mon futur projet personnel.
Merci Patrick
Encore une fois un grand merci à Patrick pour avoir accepté de se dévoiler un peu plus, j’espère que tout cela vous aura donner envie de découvrir son travail, pour rappel vous pouvez le retrouver:[checklist]
Bien évidemment si vous connaissez un photographe de talent, qu’il soit professionnel ou amateur, et que vous souhaitez le faire découvrir à la communauté de Bon Plan Photo, ou si vous voulez vous même vous prêter au jeu de l’interview, il suffit de me contacter.
J’ai créé bonplanphoto.fr en 2010 pour partager avec vous mes découvertes et petits trucs photographiques.
N’hésitez pas à me contacter pour toutes propositions de projets ou partenariats.
Une nouvelle fois, grâce à Bon Plan Photo, j’ai découvert un photographe de talent. Les photos présentes dans l’article sont magnifiques. En tant que débutant en macro-photographie, je ne peux que féliciter Patrick Goujon pour ces images qui sont une source d’inspiration. Les fonds, en particulier, sont splendide et les compositions démontrent bien qu’il n’est pas nécessaire que l’insecte photographié occupe la majeure partie de la photo.
Stéphane